Irina avait attendu ce moment depuis tellement de temps. Elle avait fait des recherches sur internet, avait fait tout ce qu'elle avait pu pour avoir des informations de la part de Gaspar. Elle voulait en savoir plus sur lui. Sa voix, le peu qu'elle savait de lui l'avait transporté. Elle devait en savoir plus. Après plusieurs recherches, elle avait enfin toutes les informations dont elle avait besoin. Et sa décision était prise. Elle partait pour les Etats Unis. Ces heures dans l'avion lui avait semblé interminables. Elle n'aspirait qu'à atterrir à l'aéroport de Chicago et à se rendre à l'adresse qu'elle avait trouvé. Durant le vol et les nombreuses escales, Irina postait des photos, teasant sa communauté sur sa nouvelle destination. Ce qu'ils ne savaient, c'était qu'elle faisait ce voyage non pas pour des vacances mais dans le but de rester. Son index glissant sur l'écran, Irina faisait défiler les photos de Gaspar, celles qu'il avait posté sur son Instagram. Quelques photos simples, en entendant sa voix dans son casque, elle l'avait imaginé exactement comme sur ses photos. Cheveux longs, barbe, tatouages, il était la représentation de l'homme parfait. Ce voyage était décidément vraiment trop long !

Mais l'avion finit par enfin atterrir à Chicago après plusieurs heures de vol. Irina se retrouvait à la fois exténuée et excitée comme une puce. Un doux mélange qu'elle n'arrivait à contenir. Bagages récupérés, elle appela un taxi et lui donna sa destination. L'adresse de Gaspar. Telle une enfant, elle admirait les Etats Unis à travers la vitre. Les bâtiments, les enseignes commerciales, les panneaux. Elle sourit en se disant que c'était exactement comme dans les films. Puis c'était terminé, le taxi se gara, lui disant qu'ils étaient arrivés. Irina le remercia et sortit du véhicule. La jeune femme resta un moment à regarder l'immeuble dans lequel vivait Gaspar. Elle adorait déjà l'endroit. Elle sentit les émotions l'envahir en découvrant enfin cette rue et ce bâtiment. Les images de Google Street View ne lui rendait pas du tout justice.

Mais ce n'est pas tout de rester là, il fallait maintenant le voir dans son appartement. Le cœur d'Irina s'accéléra quand elle entra à l'intérieur et se rendit à son étage. Une chose à laquelle elle n'avait pas pensé vint d'un seul coup l'envahir. Et s'il avait déménagé ? Rien ne disait qu'il vivait toujours à la même adresse... Le pire dans sa tête ne serait pas de déranger quelqu'un, il suffirait de lui dire qu'elle s'était trompée. Non, c'était éventualité que si elle s'était trompée, elle n'avait pas aucune piste et n'aurait aucune idée pour le retrouver. Irina se raisonna intérieurement. Il devait être là, aucun doute là dessus. Elle n'avait pas fait tout ce chemin pour rien. Elle était sûre des informations qu'il lui avait donné et elle avait bien fait ses recherches, aucun doute là dessus ! Irina était enfin devant la porte, son cœur tambourinant au rythme de son poing fermé sur la porte. La blonde tressautait d'impatience quand elle entendit des bruits de pas. L'heure de vérité ! Et Gaspar était bien là. Un sourire illumina le visage de la Russe « Salut ! »

Il paraît qu'il est grand temps que tu te bouges. Que tout le monde attend de toi que tu trouves enfin le courage de sortir te trouver un boulot dans la grande et vivante ville qu'est Chicago. Il paraît que t'es adulte et qu'il faut que tu te mettes à vivre comme tel. Il paraît beaucoup de choses. Mais il n'empêche que tu en es toujours au même point. Depuis un paquet d'années maintenant. Et ça ne te pose aucun problème à toi. Tu es même très bien tel que tu es là. Quand bien même ça signifie que tu n'évolues plus depuis trop longtemps. Tu n'es pas frustré par la chose, puisque c'est toi qui en as décidé ainsi. Plus ou moins. En vérité, t'es juste incroyablement feignant et tu passes tout ton temps à jouer à la console parce que c'est ce que tu fais de mieux. Certes, parfois tu t'agaces parce que ta connexion rame un peu ou parce que les joueurs en face ne sont pas fair-play ou, quand ils sont dans ton équipe, pas assez doués à ton goût. C'est le gars de ceux avec qui tu es justement en train de jouer. Depuis plusieurs heures, vous enchaînez défaite sur défaite parce qu'ils refusent d'entendre tes conseils. Ils sont beaucoup trop sûrs d'eux pour accepter qu'on leur en donne. Tu finis par grogner, gueuler un bon coup et rage-quit parce que tu n'en peux plus. T'es pas un sanguin pourtant. Mais tu prends les jeux au sérieux. Un peu trop au goût de bien des gens.

A commencer par tes parents. Ou ta mère surtout. Qui n'a de cesse que de te gronder quand elle t'a en face d'elle ou même au téléphone. Elle t'a justement appelé alors que tu étais en pleine partie pour prendre de tes nouvelles. Ou plutôt, pour te dire et te répéter que tu dois aller te trouver un vrai boulot dans les plus brefs délais. Tu as cessé de faire semblant de l'écouter alors que tu étais tout concentré sur ta partie. Tu ne répondais plus que par des "hm hm" et des "ouais" jusqu'à ce qu'elle n'abandonne et qu'après un soupir pour te souhaiter une bonne soirée, elle ne raccroche. Tu as à peine répondu que tu lâchais ton téléphone pour revenir pleinement dans ta partie. Et même en jouant à demi de la sorte, tu es resté meilleur que tous tes co-équipiers. A cause desquels tu es stupidement en train de faire les cent pas dans ton micro appartement maintenant. A grogner dans ta barbe et à jurer qu'on ne te reprendra plus à jouer à ces jeux stupides. Ce qui est évidemment un pieux mensonge. Une grosse connerie. Une promesse que tu ne saurais tenir. Tu aimes bien trop ces jeux, que ça te plaise ou non et que tu sois ou pas capable de l'admettre correctement. Grâce à eux tu oublies toutes tes responsabilités. Non pas que tu en ais énormément ... Mais elles sont déjà trop nombreuses à ton goût.

Tu profites de ce court instant durant lequel tu n'as pas du tout la tête à jouer encore, pour faire un peu de rangement dans ton appartement. C'est que même si tu fais régulièrement le ménage et que tu n'as rien d'un crasseux, tu as quand même tendance à laisser traîner des affaires ici et là. Quelques vêtements trouvent leur place dans la panière de linge sale, d'autres retrouvent leur place dans l'armoire de fortune qui te sert de dressing pur et simple. T'es en train de balancer les restes de nourriture de ton dernier repas dans la poubelle, quand on frappe à la porte. Tu te figes sur place. Peu sûr de qui ça peut bien être. Personne ne passe jamais te voir à l'improviste. Pas même ta soeur. Parce qu'elle sait que t'es capable de ne pas ouvrir si t'es trop occupé à jouer. Et elle sait aussi que tu peux dormir à toute heure du jour comme de la nuit. Alors elle te prévient. Parce que tu ne peux deviner qui est là si tu ne vas vérifier par toi même, tu finis par te bouger et aller ouvrir à la volée. Et c'est digne d'un électro-choque. T'as le coeur qui s'emballe furieusement, tout de suite. Des sueurs froides et ton estomac qui se noue. Un peu parce que la fille qui se trouve en face de toi est déstabilisante par sa beauté. Mais beaucoup parce que tu sais de qui il s'agit. Irina ... Qu'est-ce que tu fais là ? Comment ... ? En soufflant son prénom, tu ne réalises même pas que ça prouve que tu as toi aussi fait quelques recherches sur elle.

Irina trépignait d’impatience. C’était insoutenable comme attente et enfin la porte s’ouvrit. C’était bien lui, c’était bien Gaspard qui lui avait ouvert. Toutes ces heures de recherche n’avaient pas été pour rien, elle l’avait enfin retrouvé. Elle lui offrit son plus grand sourire et elle le salua, toute excitée. Mais visiblement l’enthousiasme n’était pas partagé par Gaspard. Qu’importe, elle avait assez de joie pour deux. Le voir enfin… Le peu de vie sur les réseaux sociaux n’était pas à hauteur de ce qu’il est dans la réalité. On envie souvent les instagrameuses, avec leur vie soi-disant parfaite. Mais Irina enviait ne pas être près de Gaspard. Maintenant, elle pouvait profiter de le voir et non plus seulement l’entendre. Ses longs cheveux attachés, sa barbe un peu hirsute, ses yeux clairs. « Irina ... Qu'est-ce que tu fais là ? Comment ... ? » Arrivée comme ça, sans prévenir, alors qu’elle ne vivait même pas sur le même continent, il y avait de quoi choquer. Personne n’est vraiment prêt pour ce genre de surprise. Recevoir quelqu’un ainsi devant sa porte. Si cela avait été l’inverse, la jeune femme aurait très certainement réagi pareil que Gaspard. Mais Irina décida qu’elle ne se formaliserait pas là-dessus. Rien ne pourrait lui retirer le bonheur de cette journée. « J’ai envie de voir ton pays et j’avais envie de te voir ! » Oui c’était direct mais bon, cela ne servait à rien de cacher sa joie, elle en était bien incapable. A quoi bon mentir de toute façon ? Cela se voyait suffisamment sur son visage qu’elle était aussi joyeuse qu’un enfant devant une pile immense de cadeaux.


Irina essaya tout de même d’être polie, de se retenir à minimum de ne pas sauter de joie dans le couloir. « J’espère que ça ne te dérange pas » Mais bon clairement, que ça le dérangeait ou pas, en vrai elle était déjà sur le territoire américain, sans pouvoir faire le retour en Russie tout de suite. Elle serait à Chicago pour un bon moment et de tout façon, maintenant qu’elle était sur place avec son visa, rentrer n’était même pas une option. Elle voulait découvrir la ville où vivait Gaspard, elle voulait découvrir cet immense pays. La nation rivale de sa mère patrie. Elle savait déjà qu’elle ne s’ennuierait pas ici alors qu’elle sentait qu’elle avait fait le tour à Saint Pétersbourg. Elle aurait pu tout simplement déménager à Moscou mais ce n’était pas drôle, ce n’était pas assez excitant et cela restait trop loin de lui. Il n’y avait plus que les Etats Unis qui comptaient aux yeux de la Russe. Et aujourd’hui, Irina avait la sensation d’accomplir quelque chose d’important, quelque chose qui chamboulerait sa vie – et dans ce tourbillon pas que la sienne.


Elle fit tomber son bagage à main au sol. Maintenant qu’elle était sûre que ce n’était pas un rêve, que tout ceci était bien réelle, elle eut envie de se jeter contre lui et de l’enlacer. Mais c’était peut-être déjà trop tôt, il fallait encore qu’il digère cette nouvelle. Elle pourra se montrer tactile plus tard, rien ne pressait, ils avaient désormais tout le temps devant eux « Je suis contente qu’on se rencontre enfin ! » Elle n’essayait même pas de cacher son accent russe, de toute façon, elle aurait bien été incapable de forcer pour le perdre. Elle venait de loin, ça Gaspard s’en doutait bien. Irina ne voulait plus juste le croiser sur des parties en ligne, à seulement entendre sa voix quand il avait envie de parler. Le pauvre américain ne pourrait pas se débarrasser d’elle aussi facilement. Quand Irina a une idée dans la tête, elle ne l’a définitivement pas ailleurs.

Tu ne comprends pas du tout pourquoi et comment elle peut se trouver devant toi. Alors soit c'est assez simple de deviner que, comme toute personne normale, elle a pris un billet d'avion pour quitter sa terre natale et débarquer ici à Chicago. T'es un peu pris de panique de la voir là.  Si tu n'as jamais trop donné d'informations personnelles, c'était justement pour éviter un truc de ce genre. Et ça n'a été que plus vrai encore quand tu as mené ta propre enquête et as découvert qu'elle était une très jolie jeune femme. Autant dire que tu n'es pas du tout prêt à l'affronter. Elle te met très mal à l'aise par sa soeur présence. T'en as d'ailleurs l'estomac qui se noue, le coeur qui se serre et l'envie de vomir un peu qui te tiraille. T'es pris de panique et c'est peu de le dire. Comment tu m'as trouvé ? Que tu demandes d'une voix à peine audible tant t'es mal à l'aise.  Elle a certainement du entamer une véritable enquête sur ta petite personne pour trouver jusqu'à ton adresse. Et ça ne t'aide pas du tout à te détendre. Elle est peut-être folle.

Par réflexe, tu fermes un peu plus la porte que tu n'as d'ailleurs pas ouvert en grand, quand elle pose son bagage à même le sol. Ta façon de lui faire comprendre que tu n'as pas du tout l'intention de la laisser entrer chez toi. Elle a beau avoir entreprit un grand voyage pour ainsi débarquer devant ta porte, tu n'as pas de raison de la laisser entrer dans ta vie. Et surtout, tu ne sais pas du tout gérer une jeune femme comme elle. Aussi jolie et aussi sexy. Tu entends battre ton coeur jusque derrière tes tympans tant tout ton corps est tendu et aux aguets.  Et tu ne sais surtout, toujours pas quoi faire. Je comprends pas pourquoi t'es là. Que t'insistes quand même un peu. Parce que tu ne peux imaginer qu'une jeune femme dans son genre puisse s'intéresser à un gars comme toi. Si l'on s'arrête à ton physique, on s'imagine  certainement que t'es un gars sûr de lui et conscient de son physique. Mais dans les faits, il en va tout autrement. Tu doutes terriblement de toi. Tu peines à assimiler l'idée que l'on puisse s'intéresser à toi d'une quelconque façon que ce soit.

Alors forcément, tu ne sais pas du tout gérer cette situation que tu ne comprends pas. Tu te contentes de la regarder et d'attendre qu'elle s'en aille. Parce qu'elle va forcément faire ça en réalisant que tu n'es pas du tout intéressant. Tu n'imagines pas qu'elle ait pu penser autrement à un moment ou à un autre. Il suffit de voir comme tu communiques peu quand tu joues en ligne avec d'autres gens, pour se douter que tu n'as rien à dire. Et si tu n'as rien à dire, c'est que tu n'es pas très intéressant. C'est le serpent qui se mord la queue. Mais le résultat, c'est quand même que tu n'as aucune idée de la façon dont il te faut gérer cette situation pour le moins étonnante. Tu ne peux pas croire qu'elle soit venue principalement pour toi. Tu t'attends donc à ce qu'elle s'en aille pour aller trouver une autre personne qu'elle est susceptible d'être venue voir sur Chicago. Avec un peu de chance, tu te trouvais simplement sur la liste des personnes à voir et des choses à faire dans cette ville. Et elle est là parce qu'elle avait prévu ce voyage depuis longtemps.