La vue · Deux magnifiques billes marrons rencontrent les tiennes, d'un bleu éclatant. Les percutent avec une certaine brutalité. Et tout de suite, ça provoque quelque chose en toi. C'est violent et doux à la fois. Coup de poing en plein estomac. Palpitant qui s'agite. Regard qui se trouble.  Il te faut pourtant offrir un visage serein et rassurant. Ne pas montrer à quel point tu viens d'être troublé par la jeune femme. Alors tu retrouves ta douceur habituelle et tu salues les deux êtres venus ensemble. Tranquillement et de façon rassurante, tu te présentes et les guides dans les couloirs blancs. Tu n'es que stagiaire alors ce n'est pas tout à fait toi qui t'occuperas de l'homme. Mais tu restes là. Tu assistes aux soins. Participes quand le patient ou la patiente est d'accord pour cela. Et ce jour là, tu aurais donné cher pour que ça dure un peu plus longtemps. Simplement pour ne pas perdre de vue ces deux prunelles marrons qui sont venues secouer et animer tes émotions. Mais quand elle s'en va, la belle inconnue, elle glisse un papier dans ta main au moment où elle la serre. Sourire trouble. Salutations douces. Et ton regard la quitte enfin pour se concentrer sur le bout de papier. C'est seulement quelques heures après, que tu envoies ton premier message ...

L'ouïe · Sa voix a vite fait d'emplir tes oreilles. Ses mots, de rassasier ton cerveau toujours curieux d'en savoir plus. Toujours désireux de connaître l'autre. Elle te régale de la chaleur de son timbre. Elle te nourrit et t'abreuve d'histoires. Elle t'intéresse comme jamais aucune autre femme n'a su le faire. A vingt-quatre ans, tu as pourtant connu quelques amourettes. Mais jamais aucune qui t'a chamboulé comme elle, elle le fait. Ce premier soir alors que tu l'as sagement et galamment invité à dîner. La timidité et les hésitations finalement mises de côté au fur et à mesure que la soirée se passe et s'enfuit. Des heures à faire tout ton possible pour provoquer ces délicats rires qu'elle échappe et qui emplissent tes oreilles. Comme son regard brillant qui n'a de cesse de retrouver le tien. Et faire rosir d'une adorable teinte, ses joues que tu rêves de caresser. Tu repousses pourtant tout ça à plus tard. Tu l'écoutes durant le temps de votre dîner. Tu l'écoutes encore quand vous quittez le restaurant et marchez dans les rues de la ville, côte à côte. Pas de rapprochement physique. Tu les évites autant que possible. Parce que l'attraction est grandissante et que tu crains que vous ne vous enflammiez trop vite. Que vous ne consommiez avant d'avoir vraiment eus le temps d'apprendre à vous connaître.

Le goût · Tu ne l'as pas embrassé non plus, après votre première soirée. Tu as su résister à cette tentation des plus grandes. Repousser à plus tard. Ce qui est contradictoire. Parce que tu n'as jamais été à ce point attiré par une femme. Mais que tu continues de repousser l'inévitable. Par nécessité. Par désir de pleinement la découvrir et l'apprendre pour commencer. Et c'est ce que vous faites. Vous apprenez à vous connaître. Vous vous découvrez.  Encore un petit moment, avant que tu ne craques. Après le quatrième rendez-vous alors qu'il te semble avoir lu de la déception dans ses prunelles quand tu as tourné les talons pour t'en aller. Tu as fait demi tour et es revenu à elle. Tu lui as demandé la permission et tu l'as embrassé. Baiser empreint de tendresse. Parfaitement caractéristique de ce début de relation. Tu as goûté à ses lèvres et laissé le désir éclore au creux de tes reins. Appréciant le battement d'aile des papillons logées au bas de ton ventre, quand bien même tu les faisait taire jusque là. Tu les as laissé prendre leur envole alors que ta langue trouvait sa jumelle. La cajolait. La caressait. Et tu as pris le temps d'apprécier ces nouvelles sensations. Ce nouvel éveil des sens.

Le toucher · Il n'a pas fallut plus de temps avant que tes lèvres sur sa peau ne soient remplacées par tes mains curieuses et exploratrices. Caresses déposées avec toute la tendresse qui a rapidement commencé à caractériser votre relation. Vous avez pris le temps, là encore. De vous découvrir. De vous apprendre par coeur. D'apprendre à vous aimer autrement. Et c'est peut-être à partir de ce moment très précis, que vous avez perdu le contrôle de vos sentiments. Qu'ils ont commencé à vous ronger de l'intérieur. A vous brûler. A vous consumer. Les mois qui passent et qui vous réunissent plus fort. De plus en plus fort. L'entente plus belle. Trop belle. L'amour plus fort. Trop fort. Les gestes parfois trop brusques qui vous poussent à marquer la peau de l'autre. Ses ongles qui se plantent plus fort dans ta peau et tes doigts qui marquent la sienne quand vous vous aimez plus fort. Trop fort. Besoin de vous posséder avec la même rage que vous mettez à vous hurler dessus. Parce que tu ne supportes pas de la voir sourire à un autre homme. Parce qu'elle n'admet pas que tu puisses oublier de lui envoyer un message quand tu rentres avec plus de quinze minutes de retard ...

L'odorat · C'est la seule chose qu'il te reste après que vous vous soyez quittés. Son odeur qui imprègne encore les fringues que tu as récupéré à la volée. Si tu as encore son visage gravé dans la rétine et un coin de ta mémoire, c'est son odeur qui te suit le plus. Ce sera pourtant la première chose à te faire défaut par la suite, tu le sais. Parce que tu auras encore les photos que tu ne peux te résoudre à abandonner. Parce que tu auras même une vidéo ou deux que tu enregistreras sur une clé pour ne pas les perdre. Jamais. Et les nouvelles d'elle que tu arrives à grappiller au cours des appels que tu passes à son grand-père, de façon régulière. Toutes les deux semaines en moyenne, tu prends le temps. Après ton dernier patient du lundi soir, tu l'appelles. Parce que tu sais qu'au cours du week-end elle lui a rendu visite. Parce que tu sais qu'il se plaindra encore de ce nouvel homme dans sa vie qui n'est pas toi. Et qui ne la rend pas aussi heureuse qu'elle le mérite. Tu préfères te dire qu'il exagère la chose. Qu'il se contente de regretter cette époque où vous ne formiez qu'un tous les deux ... Et qu'il utilise ses derniers mois de vie, pour monter un plan supposé vous réunir. C'est certainement le seul secret qu'il aura eut pour toi ...