'that wasn't very cash money of you'

Il avait plu la veille et en freinant sec sur le gravier, elle avait failli se manger les premieres marches qui menaient au perron directement dans la rangée de dominos.
Des projections de gadoue maculaient ses jambes dénudées et le ciré emprunté à l'antagoniste glauque d'un vieux slasher, trois fois trop grand, n'avait pas été aussi efficace qu'elle se l'était imaginée.
Jim avait appelé de sa cellule de dégrisement, demandant à ce qu'elle "se magne le cul" pour venir le libérer sous caution et alors qu'elle avait longuement contemplé l'idée de le laisser croupir au commissariat, avait fini par accourir, comme elle le faisait toujours, parfaite petite fifille, dépensant une somme qu'elle avait durement gagné - sans recevoir l'ombre d'un "merci".
Ce moins que rien n'avait jamais réellement fait partie du tableau et en ce qui la concernait, il pouvait bien se faire frapper par la foudre et tomber raide , elle savait qu'elle ne verserait pas une seule larme. Seulement, mue par elle ne savait quelle connerie subconsciente - ou ce qu'elle appelait "l'expression malvenue" des gènes communs -  elle se retrouverait systématiquement à tendre la branche de laurier avec laquelle elle savait qu' il aurait mieux valu qu'elle tente de l'assommer.
Certains parlaient d'ingratitude des nouvelles générations, ceux-là n'avaient pas écopé d'un père comme Jim Rhodes - lascar de seconde zone malmené par le bitume de judée et les innombrables aventures partagées (et dont il contait les détails sordides dès qu'il en avait une de trop dans le pif) -et qui n'arrivait jamais à voir au delà de son propre reflet à chaque fois qu'il regardait quelqu'un dans les yeux.
Le plus fucked up dans cette histoire c'était que Dusty et lui se ressemblaient : taillés dans le même matériau (satiné mais aussi dur que le diamant), ils étaient également capables du pire. C'était pour cette exacte raison qu'ils n'avaient jamais réellement réussi à s'entendre (et que la plupart des prières chuchotées lorsqu'elle était petite impliquait un trépas précoce - et un destin tiré d'une des meilleures adaptations de John Ford). La vérité était moins brillante et fringante que l'image travaillée; Dusty Rhodes relevait davantage de la bandita d'un vieux western spaghetti que de l'héroïne en détresse attendant que le bon crible la brute recroquevillée derrière le comptoir d'un saloon.  Mutique et désespérée.
Non, son innocence, elle l'avait disséminé sur les différentes interstates sur lesquelles Danielle l'avait trainé et dans les dive bar sur les parking desquels les officiers de police l'avaient cueilli à plusieurs reprises. Elle avait passé des mois et des mois assoupie sur la banquette arrière d'Honda Civic agonisantes et à la charge d'une harpie ayant l'invective un peu trop facile. Tous les désaccords dont elle aurait gracieusement dressé la liste avaient été oubliés à l'instant où la sonnerie avait retenti et qu'à l'autre bout du fil Jim avait décrété qu'il était temps qu'elle lui rende la pareille. Difficile de rembourser complètement d'avoir contribué au miracle de lui avoir donné la vie (même réduit à seulement cinquante goddamned pourcent).
Le vélo abandonné, elle monta les marches et se précipita à l'intérieur de la baraque, faisant hurler le parquet qui n'aurait pas été contre un bon coup de peinture; c'est à un froid de canard qu'elle se retrouva confrontée une fois les portes sorties de leurs gonds  et il ne fallut à la brunette qu'une demi seconde pour comprendre que son oncle avait encore oublié de règler la facture de gaz, obnibulé par la dernière pétasse qui lui bouffait tout son fric. Sérieusement ? Qu'avait-elle fait dans une vie antérieure pour écoper d'une famille de ce genre ? Et pourquoi ne pouvait-elle pas profiter de son jour Off comme n'importe qui ? Il avait falllu que ses employés la supplient de leur donner du mou et lui fassent promettre de ne pas louveter autour du salon "just a freaking day, come on, Dusty !" mais à devoir gérer la dysfonctionnalité des Rhodes, la jeune femme aurait largement préféré subir les remarques libidineuses de la petite frappe qui jouait les intermédiaires entre le soit disant gang qui voulait qu'elle blanchisse de l'argent pour leur compte et elle plutôt que ce fuckening de championnat. Elle s'apprêtait à fermer la fenêtre que "quelqu'un"  - et par "quelqu'un" cela devait vraisemblablement être Ray Dean - avait laissé ouverte lorsque son attention fut attirée par la lumière allumée au bout du couloir, là où se trouvait la cuisine. Se saisissant de la batte en acier toujours déposée près de la porte d'entrée, elle longea précautionneusement le couloir. Elle ne s'attendait clairement pas à revoir ce visage de si tôt. - Hello, dollface - . Qu'est-ce qu'elle pouvait bien foutre là ? Aux dernières nouvelles, la peine qu'elle devait purger avait été prolongée à cause d'une rixe qui avait coûté la vie d'un maton et à laquelle elle avait participé. - Aren't you happy to see your mama ?. Pour être heureuse, il aurait fallu qu'elle joue un rôle dans la vie de sa fille ? Qu'elle combatte ses démons et fasse tout pour que Dusty ait une enfance paisible. Elle aurait été contente de la voir si au lieu d'être en taule, elle était au Japon ou un truc du genre; que la distance n'ait été que littérale, pas émotionnelle. Dusty se surprit à croiser les bras sur sa poitrine, dans ce geste qui en voulait dire beaucoup. Parait qu'un malheur n'arrivait jamais seul; qu'est-ce qui menaçait alors de lui tomber sur le coin de la figure ?