C'est donc à Chicago que j'ai vu le jour voilà maintenant 24 ans un certain 21 juillet 1997. Je suis la petite dernière de la fratrie, je devrais être la plus aimée, la plus choyée, mais je suis une Blackbird, nous ne sommes que déceptions perpétuelles pour nos parents. Faut dire qu'ils ne nous aident pas beaucoup non plus, et que leurs attentes sont incroyablement hautes, alors l'un dans l'autre, ça ne le fait jamais. C'est comme si le nuage de lait dans le thé de l'après-midi n'en faisait qu'à sa tête et qu'il n'était jamais dosé comme il le fallait, d'un côté comme de l'autre. La vie est dure par ici, et plus le temps passe, plus elle le devient, j'en ai l'impression.

Mais c'est comme ça, qu'est ce que je peux y faire ? Rien, je ne peux pas changer mes parents, et même si j'avais envie de reprendre l'entreprise familiale, je ne sais même pas s'ils le voudraient, parce que je ne serais pas à la hauteur quoiqu'il arrive. Pourtant, j'ai le nom qui va bien, je suis une Blackbird, pour Blackbird Chemicals, ça le ferait grave, mais est ce qu'une femme est capable de diriger tout ça ? Je sais que j'en suis capable si on m'en donne la chance, si on m'en donne les moyens, mais pensez-vous qu'il puisse se dire que sa petite dernière pourrait avoir les épaules assez larges pour ça ? On ne dirait pas, il semble vouloir chercher de façon hypothétique à en toucher deux mots à Kyle et Benjamin. Anthony a été mis sur la touche, parce qu'il a les mains baladeuses, à moins que ça soit sa bite qui essaye de trouver les bons trous sans que les personnes soient vraiment consentantes. Je dois avouer que j'ai tellement de choses à faire, que je me fous royalement de ce que mon grand-frère peut faire de sa queue. Je l'aime pas, le courant passe pas vraiment entre nous alors voilà. Avec Kyle et Benjamin, c'est beaucoup mieux, y'a pas à dire, eux c'est des vrais. Je crois que je vais finir par prendre mon indépendance aussi, et qu'ainsi, je pourrais devenir invisible. Là, je dois juste subir les sarcasmes et les moqueries, c'est pas terrible. Heureusement, je passe pas des masses de temps au manoir, je suis toujours au boulot, faut dire que je suis en cinquième année de médecine. Je tiens le choc en bossant comme barmaid, et en gardant des petits que j'adore et qui m'adore aussi, je suis comme leur grand soeur, ils ne sont pas bien grands mais je les considère un peu comme mes petits frères, je m'amuse avec eux, mais je leur dis aussi quand ça ne va pas. J'essaye de faire la part des choses mais ça plait pas à mon paternel. Ma mère ? Je sais pas ce qu'elle en pense, j'ai l'impression d'avoir un fantôme depuis des années, c'est terrible, je ne la connais pas, je me suis jamais confiée à elle, même pour les trucs de filles, c'était la gouvernante qui a tout pris sur elle, heureusement qu'elle était là.

Bref, je sais que ma mère voulait devenir médecin, alors vu que je suis la figure féminine de la famille, je me dis que ça pourrait le faire, n'est ce pas ? C'est pour ça que je me suis lancée là dedans et qu'aujourd'hui, je suis en cinquième année, en internat donc, c'est pas tout le temps facile, mais j'ai bon espoir, celui d'y arriver, de devenir médecin, et de rendre gloire à la famille. Est ce que ce sera suffisant ? Difficile à dire, mais je m'y accroche comme une moule à son rocher. En dehors de mes études, j'ai essayé plein de choses en plus, pour gagner un peu d'argent, pour avoir un peu plus que le peu d'argent de poches que mes parents daignaient me donner. J'ai tenté une carrière de mannequin en parallèle, mais je me suis pris une rouste, ce n'est pas un boulot qu'être mannequin, arrêtes ça tout de suite ma petite, sous peine que tu sois reniée tout bonnement. Pourtant mes quelques shoots avaient été bien accueillis, mais voilà, ça n'apportait pas ce que je désirais. Alors c'est pour ça que finalement, je bosse comme baby-sitter et barmaid dans un bar, ce bar qui est mon refuge, je ne vous le cache pas, parce que je crois que j'y passe le plus clair de mon temps en dehors de l'hôpital. En fait, je passe chez moi pour le strict minimum depuis un moment maintenant : me doucher, dormir, manger ... Je deviens un fantôme, car quand je ne suis pas à l'hôpital, je bosse au bar, ou alors j'y bois, de plus en plus et puis je révise aussi. Je me mets au fond, avec les écouteurs, je me met dans ma bulle et j'avance dans une ambiance que j'aime de plus en plus.

Alors aujourd'hui, où est ce que j'en suis ? Quelques parts sans doute, mais la route qui se dresse devant moi ne me plait pas. Il y a des entraves dont je vais devoir me libérer clairement si je veux avancer dans le sens que je désire. Est ce qu'un jour j'aurais l'approbation de mes parents ? Je l'espère bien, avant que mon père ne meurt, ce serait bien. En ce qui concerne ma mère, je ne sais pas, je ne sais pas si elle me considère comme sa fille, je ne sais même pas si elle connait mon existence. Oui, nous sommes si proches, c'est fou. Ainsi donc, je mène ma barque, peut être qu'un jour elle arrivera à bon port, peut être qu'un jour elle chavirera complètement. En ce moment, tout semble se jouer à pile ou face, et je ne sais pas de quel côté cela tombera définitivement, soit vers un véritable envol, soit vers une chute inexorable vers le fond des abysses. Wait and see.